Prévoyance TNS "non-Madelin" : la fin d'une optimisation fiscale ? ⚖️

Pour les travailleurs non salariés (TNS), une clarification jurisprudentielle majeure vient de bouleverser une pratique d'optimisation fiscale jusqu'alors très répandue. L'arrêt de la Cour Administrative d'Appel de Nantes du 19 mars 2024 met en lumière un risque de redressement fiscal considérable pour ceux ayant souscrit des contrats de prévoyance "non-Madelin".

🤔 Le mythe de la corrélation, la situation "avant"

Jusqu'à récemment, une logique commerciale, largement promue par le secteur de l'assurance, dominait le marché de la prévoyance pour les TNS (Travailleurs Non Salariés). Elle reposait sur un syllogisme fiscal en apparence cohérent, le principe de corrélation : puisque les cotisations versées au titre d'un contrat "non-Madelin" n'étaient pas déduites du revenu imposable (contrairement au dispositif Madelin de l'article 154 bis du CGI), les indemnités journalières perçues en contrepartie devaient logiquement être non imposables.

Cette stratégie "Non-Déduction = Non-Imposition" était présentée comme une optimisation judicieuse, notamment pour les TNS dépassant les plafonds de déduction Madelin ou faisant un choix stratégique sur conseil de leur assureur. Beaucoup de professionnels, agissant de bonne foi, se sont ainsi retrouvés piégés entre une promesse commerciale attractive et une logique fiscale bien plus stricte.

💥 La confirmation jurisprudentielle, la réalité "après"

L'arrêt de la CAA de Nantes (n° 23NTO2189), s'inscrivant dans la lignée d'une jurisprudence constante de la CAA de Marseille, a mis fin à ce mythe de manière retentissante. Les juges ont balayé l'argument de la corrélation pour se fonder exclusivement sur un principe fondamental du droit fiscal : la nature du revenu.

Le raisonnement juridique est sans appel : les indemnités versées par un contrat de prévoyance ont pour objet exclusif de compenser une diminution de revenu d'activité imposable (Bénéfices Non Commerciaux - BNC, ou Bénéfices Industriels et Commerciaux - BIC). En vertu de l'article 92 du Code Général des Impôts, ces indemnités, qui se substituent à un revenu professionnel taxable, acquièrent la même nature fiscale et sont donc imposables. La Cour a été explicite : le fait que les cotisations aient été déduites ou non est "sans incidence" sur le caractère imposable des prestations. Cette position est d'ailleurs alignée de longue date avec la doctrine administrative (BOFIP).

📊Le piège fiscal et social du coût réel de la prime

La jurisprudence de Nantes met en lumière une réalité économique implacable, dont la subtilité réside dans le traitement fiscal et social de la prime payée par l'entreprise.

  • Avec un contrat Madelin, le mécanisme est avantageux. La prime est une charge déductible pour l'entreprise, le TNS payera uniquement les charges sociales liées à cette prime.

  • Avec un contrat "non-Madelin", le schéma est un piège. La prime est considérée comme un avantage en nature pour le dirigeant TNS. Par conséquent, le montant de cette prime doit être réintégré dans son revenu personnel imposable. Le TNS va donc payer des charges sociales et de l'impôt sur le revenu sur le montant même de la prime, comme s'il s'agissait d'un complément de rémunération.

La conclusion est une "double peine" pour le TNS en "non-Madelin" : il paie un surcoût fiscal et social sur la prime elle-même, et les indemnités qu'il percevra en retour seront, elles aussi, pleinement imposables. La stratégie est donc économiquement invalidée.

Le résultat est sans appel : la stratégie "non-Madelin" est la plus défavorable. Le TNS paie plus cher pour un résultat net identique à celui du "Madelin", exposant potentiellement les distributeurs de ces produits à des actions en responsabilité pour défaut de conseil.

La convergence de la jurisprudence et de la doctrine administrative ne laisse plus de place au doute : toute indemnité de prévoyance perçue par un TNS au régime réel est imposable. Les professionnels ayant perçu de telles prestations sans les déclarer au cours des dernières années sont exposés à un risque de redressement fiscal majeur (impôt éludé, intérêts de retard, pénalités). Il est donc urgent de revoir vos contrats de prévoyance et de régulariser votre situation fiscale passée si nécessaire.


Il faut savoir se faire conseiller.

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